Pas de nouveaux essais nucléaires. La Belgique a son rôle à jouer
Une possible reprise des essais nucléaires initiée par les États-Unis ?
La Coalition belge contre les armes nucléaires s’inquiète fortement de la récente annonce faite par Donald Trump que les États-Unis allaient reprendre les essais nucléaires. Le président Trump justifie cette décision en argumentant que « d’autres pays effectuent des programmes d’essais nucléaires ». Son vice-président, JD Vance, a ajouté qu’il était nécessaire de tester l’arsenal nucléaire « pour s’assurer qu’il fonctionne correctement ».
Cette déclaration inquiétante porte à confusion : actuellement, en tout état de cause, aucune puissance nucléaire ne réalise d’essais nucléaires explosifs (à l’exception de la Corée du Nord, qui a procédé à des essais nucléaires souterrains entre 2006 et 2017). Jusqu’à aujourd’hui, les États se limitent à tester leurs systèmes de livraison et de lancement (missiles, sous-marins, avions de chasse), ainsi que leurs systèmes de commandement et de contrôle de la « triade nucléaire » (air, terre et mer).
On peut dès lors craindre que Trump fasse aujourd’hui référence à de « véritables » essais nucléaires, c’est-à-dire des explosions de bombes nucléaires en conditions réelles, à des fins expérimentales. Les États-Unis n’ont pas effectué ce type d’essais depuis le moratoire de 1992.
Notre Coalition s’inquiète du danger que pourrait représenter de nouveaux essais nucléaires de la part des États-Unis, mais également du risque d’escalade que cette déclaration risque de provoquer chez les autres puissances nucléaires. Les premières réactions n’ont d’ailleurs pas tardé : ce mercredi, le président russe Vladimir Poutine annonçait que si les États-Unis reprenaient les essais, la Russie serait « contrainte de prendre des mesures de rétorsion appropriées ».
Le danger des essais nucléaires
Entre la première bombe nucléaire sur Hiroshima et Nagasaki en 1945 et la fin de la guerre froide, plus de 2 000 essais nucléaires ont été réalisés, principalement par les États-Unis et l’Union soviétique. Ces explosions ont eu des conséquences dévastatrices, autant sur l’environnement que sur la santé des personnes touchées, sans parler des traumatismes pour les populations exposées. Une reprise d’essais nucléaires par les États-Unis serait un acte criminel et irresponsable, contraire aux accords conclus dans le cadre du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) adopté par les Nations unies en 1996.
Bien qu’il ne soit pas encore entré en vigueur, faute de ratification par certains États, ce traité est largement respecté de facto par les puissances nucléaires depuis la fin des années 1990 (à l’exception de la Corée du Nord). Les États-Unis font d’ailleurs partie des signataires du TICE, bien que ne l’ayant pas encore ratifié.
Ce n’est pas un jeu : le risque d’escalade plus inquiétant que jamais en 2025
La déclaration du président Trump intervient dans un contexte international de grande instabilité. Avant la visite récente de Trump dans la région de l’Asie de l’Est, la Corée du Nord a procédé à de nouveaux essais de missiles balistiques. La Russie a également déjà menacé à plusieurs reprises d’utiliser ses armes nucléaires. Dans ce climat de tensions, toute initiative américaine visant à relancer les essais explosifs risquerait de raviver encore plus la course aux armements et d’alimenter la spirale d’escalade entre grandes puissances.
De plus, plusieurs États dotés d’armes nucléaires sont aujourd’hui impliqués dans des conflits actifs, augmentant la probabilité d’un mauvais calcul stratégique ou d’un accident. Une reprise des essais serait un signal catastrophique dans ce contexte, qui risque fortement d’avoir un effet-cascade.
Cela s’ajoute au fait que les États détenteurs de l’arme nucléaire ainsi que ceux membres de l’OTAN organisent régulièrement des exercices militaires liés à l’utilisation d’armes nucléaires.. L’OTAN vient notamment de mener son exercice annuel Steadfast Noon, qui a eu lieu le mois passé aux Pays-Bas, mais aussi en Belgique (à Kleine Brogel) et au Royaume-Uni. D’après l’OTAN, les ogives nucléaires n’ont pas été directement utilisées pour les exercices (et on ne demande qu’à les croire), mais ces exercices ont tout de même pour but de préparer les armées des pays de l’OTAN à manipuler et larguer des bombes nucléaires. Sans compter que, sous couvert de la menace d’une une attaque russe, les pays membres de l’OTAN (Belgique comprise) investissent de plus en plus dans l’armement (dont les fameux F-35, avions de chasse capables de larguer des ogives nucléaires).
En février, à l’occasion d’un sommet entre Les États-Unis, la Chine et la Russe, Donald Trump lui-même avait reconnu le danger de la prolifération nucléaire, en affirmant que « Il n’y a aucune raison pour que nous construisions de nouvelles armes nucléaires. Nous en avons déjà tellement que nous pourrions détruire le monde 50 fois, voire 100 fois. »
L’importance de la non-prolifération et de la diplomatie
Au vu des dangereuses conséquences potentielles, la Coalition belge contre les armes nucléaires appelle la Belgique à se prononcer fermement contre toute reprise d’essais nucléaires, surtout sachant qu’une vingtaine de bombes nucléaires américaines sont toujours déployées sur son sol. La Belgique a son rôle à jouer : elle est signataire du TICE, qu’elle a ratifié en 1999. Elle est depuis lors active dans la surveillance mise en place dans ce traité, par l’intermédiaire du NDC.be (Centre National de Données belge). La Belgique s’est à plusieurs reprise positionnée fermement contre les essais nucléaires : nous appelons le gouvernement à réaffirmer cette position, ainsi que l’engagement pris dans le TICE.
Il est essentiel de sauvegarder et reconstruire l’architecture multilatérale de confiance réciproque et de contrôle des armements nucléaires. Nous déplorons le non-respect par les puissances nucléaires du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), qui vise à réduire l’expansion des arsenaux nucléaires dans le monde. La Belgique est signataire du TNP depuis 1975, et nous demandons au gouvernement de respecter ses engagements. Notre Coalition en profite pour à nouveau encourager la Belgique à s’engager activement pour un monde sans armes nucléaires, en rejoignant le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) et en réclamant que les ogives nucléaires états-uniennes présentes sur son territoire soient retirées.
C’est une illusion de penser que les armes nucléaires garantissent notre sécurité : au contraire, elles rendent le monde plus dangereux. La véritable sécurité repose sur la coopération, la transparence et la diplomatie. Pour ce qui concerne les armes nucléaires, appliquer et renforcer les traités déjà existants représentent notre seule espoir d’un jour connaître un monde débarrassé de ces armes de destruction massive.
Sources :
- https://vrede.be/nl/nieuws/geen-nieuwe-explosieve-kernwapenproeven
- https://www.rtbf.be/article/donald-trump-annonce-vouloir-reprendre-les-essais-nucleaires-une-nouvelle-etape-dans-l-effondrement-des-garde-fous-de-la-guerre-froide-11624963
- https://www.dw.com/en/trumps-proposed-nuclear-tests-what-you-need-to-know/a-74558882
- https://www.rtl.be/actu/monde/international/vladimir-poutine-dit-envisager-de-reprendre-les-essais-nucleaires-russes-apres/2025-11-05/article/769444
- https://www.nato.int/cps/fr/natohq/news_238367.htm
- https://diplomatie.belgium.be/fr/politique/themes-politiques/paix-et-securite/controle-des-armements-desarmement-et-non-proliferation/armes-de-destruction-massive